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Il y a, dans la salle des Oripeaux du Musée Vermillon, une vitrine qui attire invariablement les regards. Pas parce qu’elle est éclairée de façon spectaculaire. Non. C’est même tout le contraire : la robe qu’elle contient semble irradier une lumière qui lui est propre, comme si elle refusait de se laisser éteindre.

On l’appelle simplement « la robe ». Parfois, Lénore l’appelle la « tenue de noces ». Mais vous comprendrez vite que les noces en question ne furent pas du genre à susciter discrètement des larmes d’émoi tamponnées au coin de l’œil de la maman de la mariée. On parle là de noces d’enfer, à la Game of Thrones, où toute larme qui fut versée sur place s’est instantanément évaporée.

Une robe pour la revanche

Selon les rumeurs archivées — car tout ici est documenté, même l’indocumentable — cette robe d’apparat fut offerte par la magicienne Médée à la jeune princesse que Jason s’apprêtait à épouser. Un cadeau empoisonné, au sens le plus littéral : à peine le tissu effleurait-il la peau qu’il s’enflammait, consumant la porteuse dans une combustion totale, sans qu’aucune cendre n’en tâche jamais la soie. La robe, elle, est restée immaculée. Lénore dit qu’elle se lave toute seule. Elle dit aussi qu’elle respire.

Certains visiteurs chuchotent qu’il s’agit là de la première revenge dress de l’Histoire. Avant Diana. Avant Hollywood, Kate Moss, Zoë Kravitz, Sophie Turner et leurs revenge outfits post rupture. Avant la mode comme outil de narration. Ici, la robe est le message. Et elle ne tolère aucune interprétation.

Un objet impossible

Elle repose aujourd’hui dans une cage de verre blindé, cerclée de plomb et scellée par ce que le personnel appelle pudiquement « des protocoles ». Nul ne l’approche. Une tentative prudente de restauration textile, en 1997, s’est soldée par la disparition de la pince à épiler, de l’ombre de la restauratrice, puis de la restauratrice elle-même. Depuis, Lénore ne laisse plus personne approcher.

Elle est superbe, cette robe vengeresse. Drapée d’étoffes aux reflets d’opale, la coupe évoque à la fois une toge antique et une création haute couture contemporaine. Chaque visiteur y projette ce qu’il veut : un rêve de mariage, une vengeance froide, une métamorphose radicale. Mais personne ne veut la toucher. Ce n’est pas, loin de là, la seule pièce du musée qui déclenche un recul instinctif. Mais celle-ci attend encore quelqu’un à qui faire connaître une dernière étreinte ardente, peau contre peau, c’est manifeste.

Un miroir cruel

Certains disent que la robe s’ajuste au regard : elle paraît faite pour vous, littéralement. D’autres jurent qu’ils ont entendu un son à travers la vitrine. Peut-être juste le doux crépitement d’un feu de cheminée. Lénore, elle, reste muette. Ou pire : elle sourit.

Et quand une visiteuse, un jour, a murmuré « Ah, une vraie revenge dress« , la gardienne du musée a penché la tête, lentement, et répondu : « Une remarque très pertinente. On peut dire que celle-ci a réussi particulièrement bien. »

Les héritières modernes de la vengeance vestimentaire

La revenge dress de Médée trouve des échos dans l’histoire contemporaine, où certaines célébrités ont utilisé la mode pour exprimer leur résilience post-rupture :

  • Lady Diana, en 1994, a porté une robe noire moulante de Christina Stambolian lors d’un gala, le soir même où le prince Charles admettait publiquement son infidélité. Ce choix vestimentaire audacieux est devenu emblématique, symbolisant sa reprise de contrôle sur son image publique .
  • Sophie Turner, après sa séparation d’avec Joe Jonas, a été vue dans une audacieuse robe grise, évoquant une déclaration de force et d’indépendance .
  • Jennifer Lopez, en pleine rumeur de séparation avec Ben Affleck, a ébloui le tapis rouge du Festival international du film de Toronto avec une robe argentée étincelante, interprétée comme un message de confiance et d’autonomie .
  • Ariana Madix, suite à une rupture médiatisée, a porté une robe rouge découpée de Mônot lors de la réunion de la saison 10 de Vanderpump Rules, captant l’attention et redéfinissant le concept de revenge dress pour une nouvelle génération .

Ces tenues, bien que puissantes, restent des symboles. La robe de Médée, elle, est une légende incarnée.

Vous croyez encore que la mode est frivole ?

Après tout, Bethan Holt, rédactrice en chef mode au Daily Telegraph a pu dire, au sujet de la revenge dress de Lady Diana : « La mode ne connaît pas de frisson plus grisant que lorsqu’elle est utilisée pour exprimer la rage, une froideur souveraine ou une pointe d’insouciance du genre “regarde ce que tu as perdu”. »

Jason a probablement pu contempler toute la puissance de la mode, en chouinant dans les cendres de l’infortunée jeune femme pour laquelle il avait abandonné Médée, la mère de ses enfants.


Peut-être que la mode est frivole. Mais certains tissus coupent plus profond que des mots. Venez la voir, cette « robe de noces ». Regardez-la longtemps. Et dites-vous que la robe vous regarde aussi.